J’avais « réussi »…
J’avais tout: un diplôme d’une très haute école m’ayant permis d’obtenir un travail passionnant et bien payé. Un sympathique appartement, avec une vue agréable et dégagée et dans lequel je vivais avec un partenaire que j’aimais et avec qui je partageais de nombreux points communs. Des amis, des motos (je suis plus moto que voiture), des loisirs parfois extrêmes qui m’apportaient plein d’adrénaline ou simplement me distrayaient. On s’amusait, regardait des films et des séries, sortait, jouait, faisait du sport, l’amour, se passionnait pour différents centres d’intérêt. Et je finissais le mois sans devoir me préoccuper de mon solde en banque (bon, nous étions quand même relativement sobres). Bref, nous avions tout!
…mais…
J’avais tout, mais il manquait quelque chose. J’allais évidemment quelque part, mais je ne savais pas trop où, je ne connaissais ni la destination ni l’état du chemin, j’avais l’impression de tourner en rond, d’aller nulle part. J’avais tout fait pour être heureux, mais j’avais l’impression de ne pas l’être vraiment. J’avais beaucoup de plaisirs liés à différentes activité, mais certaines tâches répétitives demeuraient pénibles (vaisselle, ménage, trajets, …). De plus, je me lassais rapidement de certaines activités m’apportant pourtant beaucoup de plaisir. J’enchaînais alors avec d’autres plaisir mais à nouveau, je n’étais pas à l’aise, pas heureux. Petit à petit j’ai perdu pied, perdu dans l’incompréhension de faire tout pour être heureux sans pour autant y parvenir. Longtemps, tout ceci est resté très inconscient. Je n’ai jamais pris le temps d’y réfléchir ou peut-être fuyais-je ce questionnement lourd et insoluble.
Ressentant sans doute ce malaise grandissant et le manque de bonheur, mon partenaire m’a finalement quitté. Mais qu’importe, ce sont des choses qui arrivent et il y en aurait d’autres. J’ai poursuivi ma vie de plaisir sans pour autant être capable de freiner un mal-être croissant que même des activités extrêmes procurant les plus grandes doses de plaisirs et d’adrénaline ne parvenaient à enfouir.
… je n’étais pas heureux
Enfin, un été, j’ai eu un grave accident lors de la pratique de l’une ces activités extrêmes et suis resté seul dans mon lit presque deux semaines. Face à moi-même, et bien que dormant près de 20 heures par jour, j’ai dû me rendre à l’évidence: j’avais fait tout ce que l’on m’avait dit de faire pour réussir ma vie, mais je n’étais pas heureux.
Pire encore, j’étais à cours de solutions. J’avais tout essayé, tout acheté, cela n’avait pas fonctionné. Je ne savais pas comment être heureux et n’avais aucun piste.
Pris dans une violente remise en question de l’intérêt de cette vie condamnée à espérer un peu de bonheur du hasard, j’ai soudain été sauvé par un réflexe qu’on m’avait enseigné durant mes études:
Si tu n’arrives pas à répondre seul à une question, demande conseil à un spécialiste
Bien sûr, je n’étais certainement pas seul à avoir fait face à ce problème critique: il devait forcément y avoir des spécialistes, psychologues, philosophes, sociologues ou autres, qui s’étaient déjà intéressés à la question et avaient bien plus de connaissances dans le domaine que moi.
En effet! Ayant commandé les premiers livres traitant du bonheur que j’ai trouvés, la découverte des ouvrages de Pierre Rabhi, Tal Ben-Shahar et d’autres a été salvatrice. Non seulement ces hommes ont consacré leur vie à cette question et ont trouvé des solutions, mais en plus, sans doute sans se connaître ni s’être jamais vus, ils sont arrivés à la même conclusion:
Pour être heureux, il faut du plaisir ET du sens, et l’argent, le luxe dans lequel nous vivons, nous empêche souvent d’être heureux.
Le Sens
Voilà ce qu’il me manquait pour connaître ma destination, savoir où je voulais aller. L’idéal de richesse et de « réussite » vendu par notre société de consommation ne sert qu’à sa propre survie, mais n’a aucun sens (consommer pour satisfaire le besoin de croissance économique, pour rester riche, pour pouvoir consommer encore plus? C’est insensé!).
J’ai besoin de savoir que le jour où j’aurai atteint l’âge de la retraite, je pourrai regarder derrière moi et me dire: voilà ce que j’ai fait, et ça a du sens pour moi. Je peux en être fier, j’ai œuvré en accord avec mes valeurs. Autant vous dire que l’accumulation égocentrique de richesses n’en fait pas partie. D’autant plus que plus il y a de riches, plus il y a de pauvres qui doivent lutter pour survivre et qu’on prive alors de leur droit au bonheur (avant de pouvoir être heureux il faut déjà ne pas avoir à lutter pour sa survie, cela semble évident). Sans parler de l’espèce de dette que nous contractons auprès des générations futures, en pillant à une vitesse folle des ressources ayant nécessité des millions d’années à se former. Et je vous épargne la problématique liée au réchauffement climatique…
Reste à définir ce qui a du sens pour nous, nos valeurs
Pour moi c’est très simple:
- La condition et le but de la vie c’est le bonheur
- Le bonheur, c’est les autres
Il n’y a donc rien de plus sensé que de garantir à tout un chacun le droit d’être heureux, ce qui ne peut que nous rendre nous même aussi heureux puisque le bonheur c’est avant tout les autres (sympathique bienfait collatéral non?). Et il faut aussi bien remarquer que contrairement à l’argent dont la somme est finie (si vous donnez de l’argent vous en avez moins), la somme du bonheur est infinie (plus vous en donnez, plus vous en recevez en retour!*). Pas besoin d’être radin avec le bonheur, on en reçoit autant qu’on en donne, voir plus!
Rendre les autres heureux rend heureux
Garantir à tout un chacun le droit d’être heureux inclus aussi le droit des générations futures à être heureuses, et donc notre devoir de préserver l’environnement afin que notre planète ne deviennent pas un enfer et que nos descendants ne doivent pas lutter pour survivre, ce qui leur interdirait alors tout bonheur.
Tout un chacun inclue les populations qui doivent aujourd’hui lutter pour se nourrir, se loger. La vieille voisine esseulée qui serait si heureuse qu’on lui adresse la parole. Les victimes des guerres qui ont besoin d’aide, les enfants à qui on apprend à l’école comment devenir de bonne ressources humaines productivistes plutôt qu’à être heureux. La population des pays riches qu’on conditionne à croire que la richesse, les biens matériels, le pouvoir ou la célébrité rendent heureux.
Alors bien sûr, personne ne peut tout faire, mais chaque goutte d’eau compte, a du sens, et rend un peu plus heureux. Et lorsqu’on sait que la richesse ne fait absolument pas le bonheur, il est bien plus facile d’être généreux et d’aider les autres. D’ailleurs si tout le monde en était conscient, le monde serait très rapidement plus heureux non? Il suffit simplement d’en parler autour de nous 🙂
Et vous? Que faites-vous pour rendre les autres un peu plus heureux? Cela vous rend-il heureux?
Votre entourage pense t’il que l’argent fait le bonheur? Parlez leur du capital-suprême, de ce site. Ça vous rendra certainement heureux, et eux peut-être aussi!
*cf. Tal Ben-Shahar
Merci pour ce texte intéressant.
à la moitié de la page, je lis « (consommer pour rester riche, pour consommer plus? C’est insensé!). » –> Ne vouliez vous pas écrire « (travailler pour rester riche, pour consommer plus? C’est insensé!). »
Bonjour et merci à vous pour votre commentaire. A la relecture de ce texte rédigé il y a déjà plusieurs années il m’a fallu un certain temps pour retrouver le sens de ce propos qui est, je crois, le suivant:
D’après le dogme croissantiste c’est la croissance économique qui rend « riche » (reste à clarifier la définition de ce mot mais c’est un autre sujet). Il faut donc consommer la production nécessaire à satisfaire la croissance du PIB pour, d’après ce dogme donc, rester riche et pouvoir ensuite consommer encore davantage (but de cette « richesse »). L’effet boucle infinie montre bien l’absurdité de la chose: consommation supplémentaire -> croissance du PIB -> croissance du revenu -> consommation supplémentaire -> croissance du PIB -> croissance du revenu -> etc. Insensé!
Les japonais en sont pour moi un très bon exemple puisque le traumatisme de la crise de 1986-1990 a durablement ancré en eux l’idée que la consommation en est le meilleur préventif. Ayant eu la chance d’y aller à l’époque, j’ai été très surpris par leur frénésie d’achat de produits considérés en occident comme plus ou moins « déchets ». Pour eux l’important ce n’est pas tant ce qu’ils achètent, c’est simplement d’acheter, quelque soit le produit, pour faire tourner l’économie (sic.).
En espérant vous avoir répondu de manière satisfaisante, je me suis permis de légèrement réécrire cette phrase afin de la rendre plus compréhensible 😉